Europe, implosion inéluctable

avril 13, 2012 0 Par Michel Santi

La crise européenne entre dans sa dernière phase, moins spectaculaire et moins volatile, mais incontestablement létale. Comme rien n’a en effet été clairement réglé, le fossé entre pays créditeurs et débiteurs est condamné à s’aggraver. Souvenons-nous du démarrage de cette tempête européenne, époque (pas si lointaine) où la scission de cette Union était strictement inconcevable, caractérisée par des actifs et par des passifs communs à l’ensemble de l’Union qui étaient étroitement enchevêtrés et imbriqués les uns aux autres. Les avoirs et les dettes de chacun des membres étaient interdépendants, comme confondus, avec comme conséquence naturelle que la faillite d’un seul de ces pays entraînerait l’ensemble de l’édifice. Il était alors approprié de parler de « dominos ».

 

Pourtant, l’acuité, voire le pourrissement, de cette crise a entraîné des ajustements fondamentaux et certaines nations – voire tout un bloc – se sont dès lors très progressivement retranchées derrière leur frontière nationale. Ce bloc des pays riches dominé par l’Allemagne s’est insensiblement barricadé afin de ne pas trop souffrir d’une éventuelle cassure de l’Union Européenne. Ce mouvement de plaques tectoniques intra européen n’est pas encore parachevé mais il est inéluctable, exactement comme l’est la dérive des continents. A cet égard, la Bundesbank, l’emblématique banque centrale allemande, précède voire encourage ce retrait des intérêts de son pays hors des nations à risques. Son souci étant clairement que la sortie, que la dérive, que la faillite d’une nation -voire d’un groupement de nations- n’affecte pas le bilan de ses établissements bancaires et la solvabilité de ses investisseurs. En conséquence, comme les injections massives de liquidités (donc la création d’argent) émises par la BCE ont autorisé des placements substantiels dans la dette des pays du Sud par les banques et par les investisseurs allemands, la Bundesbank plaide activement pour une nette diminution de cette gigantesque mais indispensable masse monétaire en circulation au sein de l’Union.

 

Ne croyons pas naïvement que les allemands agissent ainsi sous le coup d’une obsession ancestrale au spectre inflationniste car le seul but est bien de limiter les dégâts de leurs acteurs nationaux vis-à-vis de la banqueroute d’un autre membre de l’Union. C’est dans ce même esprit que la Buba vient de décréter un resserrement du robinet du crédit dans son propre pays. Vu du côté allemand, il convient en effet de tout entreprendre afin de décourager la sortie des liquidités en direction des pays sur un siège éjectable… Autant de mesures absolument impensables décidées par cette banque centrale allemande car les pays européens fragilisés ont désespérément besoin d’une forte consommation allemande pour avoir une chance de s’en sortir ! Il leur sera effectivement impossible d’instaurer une telle rigueur et d’atteindre leurs objectifs en termes de réductions des endettements si l’Allemagne ne prend pas un minimum le relais de la demande. Cette fermeture progressive du robinet des liquidités allemandes creusera donc davantage le gouffre de la compétitivité entre elle et les pays du Sud.

 

Quoiqu’il en soit et à n’en pas douter, ce retrait allemand est et sera suivi par d’autres nations européennes créditrices soucieuses avant tout de se préserver d’une ou de plusieurs faillites de dettes souveraines de consœurs européennes. Un bloc émerge donc. C’est un peu comme la naissance d’un tout nouveau continent qui sera immaculé, intact aux tourmentes et aux chocs de ses voisins. Insensible à la ruine qui ravage les autres.

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